Histoire de la ville

Deux rivières coulent à Saint-Chamond, le Gier et le Janon. Si ces dernières sont aujourd’hui peu présentes (car recouvertes à la fin du XIXème pour freiner une insalubrité croissante dans le contexte de la Révolution industrielle), elles font pourtant partie intégrante de l’histoire de la ville, de son origine à nos jours. Les berges du Gier abritent

Moulins à soie, teintureries, clouteries, depuis le Moyen-âge, les berges du Gier abritent une proto-industrie importante, préfigurant déjà les spécialités de la ville au XIXème siècle.

Saint-Chamond, une ville façonnée par ses rivières

Deux rivières coulent à Saint-Chamond, le Gier et le Janon. Si ces dernières sont aujourd’hui peu présentes (car recouvertes à la fin du XIXème pour freiner une insalubrité croissante dans le contexte de la Révolution industrielle), elles font pourtant partie intégrante de l’histoire de la ville, de son origine à nos jours.

Si l’origine de Saint-Chamond est peu connue, la présence d’habitants sur son territoire est attestée dès le Ier siècle, dans un paysage forestier arrosé par les eaux pures du Gier. Déferlantes dans la vallée depuis le massif du Pilat, ces eaux vont être captées par les Romains au début de notre ère pour alimenter en eau la cité de Lyon (Lugdunum). Au départ de Saint-Chamond, ils vont alors construire sur près de 86 km l’aqueduc romain du Gier. Traversant Saint-Chamond en souterrain, cet ouvrage laisse à la ville ses quelques vestiges antiques (portions de conduit, piles de pont du Langonand etc.). Indispensable à la survie de Lyon et hautement surveillé, l’aqueduc du Gier est sans doute l’un des premiers facteurs de sédentarisation d’habitants sur le secteur. On trouve ainsi les premières poches de population à proximité de l’ouvrage, dans le quartier d’Izieux, puis sur la colline Saint-Ennemond, berceau de la ville seigneuriale. D’ailleurs, c’est bien la présence de l’aqueduc qui permet l’établissement d’un premier pouvoir seigneurial sur ces campagnes. Jusqu’au Xème siècle, Saint-Chamond est en effet sous la protection du comte de Lyon, qui souhaitait la mainmise sur tous les espaces traversés par l’aqueduc. En 1170, une donation du comte Guy II à son neveu Brand de Lavieu amorce finalement la lignée des seigneurs de Saint-Chamond. Favorisée par son paysage vallonné, arrosée par des eaux limpides et actives, la petite seigneurie de Saint-Chamond présente alors tous les atouts pour se muter en une ville attractive et protégée. En 1224, l’ancienne petite paroisse de Saint-Ennemond, dont le nom tend à devenir « Saint-Chamond », devient ville franche. A la fin du Moyen-Age, tenue par des seigneurs importants, la ville entame son âge d’or. Son histoire, jusqu’alors obscure, se révèle alors dans les écrits et les vestiges.

Au XVIème siècle, la lignée des premiers seigneurs de Saint-Chamond s’éteint avec Christophe de Saint-Chamond. Ce dernier marie alors sa sœur Gabrielle à Jacques Mitte de Chevrières. En pleine Renaissance, cette nouvelle famille apporte à la colline Saint-Ennemond, le berceau de la ville, ses plus importants vestiges. Dans le contexte des guerres de religion, le château seigneurial est agrandi par Jacques Mitte de Chevrières. Son fils, le marquis Melchior Mitte de Chevrières, poursuit l’œuvre de son père en développant massivement la ville au-delà de la rivière. On lui doit ainsi la construction de l’église Saint-Pierre (aujourd’hui monument historique), l’embellissement du Château et la construction d’une collégiale à son pied. De ce vaste complexe politico-religieux bâti au service du pouvoir, ne subsistent que quelques vestiges. Construits sous les murailles, le clocher et une abside de la collégiale témoignent encore du souhait seigneurial de ne pas masquer le château. La porte de ce dernier orne encore discrètement la Rue du château. Ses anciennes écuries de 1640 dominent toujours la ville et abritent le lycée La Grand’Grange. Au pied de la colline, la maison des Chanoines, demeure bourgeoise du XVIème siècle, témoigne d’une vie bourgeoise importante. Plus loin en bordure de campagne, l’ancien couvent des Minimes témoigne quant à lui de l’importante vie religieuse qui rythmait la cité. Construit en 1622, cet édifice abrite aujourd’hui l’Hôtel de ville de Saint-Chamond.

A l’instar de ce couvent, en partie pillé en 1792, la plupart des vestiges de la ville seigneuriale ont été ravagés à la Révolution. Saint-Chamond a pourtant su, de par ses atouts naturels, ouvrir une nouvelle page de son histoire. Industriels et marchands deviennent alors les notables d’une cité bâtie au cœur d’un bassin lancé en pleine Révolution industrielle. 

Saint-Chamond, d’une Révolution à l’autre.

Moulins à soie, teintureries, clouteries, depuis le Moyen-âge, les berges du Gier abritent une proto-industrie importante, préfigurant déjà les spécialités de la ville au XIXème siècle.

Dès le XVIIème siècle, sous la tutelle des soieries lyonnaises, la région développe une importante industrie tisserande. Ses paysages ruraux, vallonnés et arrosés, facilitent dans un premier temps l’installation des activités de moulinage (processus permettant la transformation du cocon du bombyx en fil de soie). Fort de cet héritage, l’industrie du ruban se développe ensuite dans la région dès le XVIIIème siècle. A l’instar de Saint-Etienne, Saint-Chamond instaure peu à peu le système de la Fabrique. Pour s’adapter aux désidératas de la mode bourgeoise, le système sépare lieux de production et lieux de négoce. Alors que les ouvriers « passementiers », payés à la pièce, tissent les rubans dans leurs ateliers ruraux, le rubanier gère la logistique depuis sa riche fabrique urbaine (dessiner les modèles, importer, teindre et répartir la soie chez les passementiers, avant de récupérer, parfaire et emballer les rubans). Le coût des métiers à tisser est alors intégralement porté par les passementiers qui endurent les fluctuations propres à ce savoir-faire. D’abord pionnière dans cette industrie, Saint-Chamond est rapidement supplantée par Saint-Etienne. La ville se tourne alors vers une alternative qui fera sa renommée : les tresses et lacets.

En 1807, Richard Chambovet, rubanier couramiaud ruiné, importe sur Saint-Chamond ses premiers métiers à tresses et lacets. Cinq ans plus tard, sa fabrique en compte 82 et voit s’installer son premier concurrent. Appuyées par la mode qui utilise tresses et lacets pour les chaussures, les corsets ou les abat-jours, les fabriques prospèrent alors rapidement sur la ville. Avec plus de 20 000 métiers mécanisés, elle devient en 40 ans la capitale mondiale des tresses et lacets. Aujourd’hui encore, de nombreuses maisons témoignent de cette épopée. La rue de la République, ancienne route royale devenue l’artère piétonne du centre-ville, arbore les façades des riches hôtels néoclassiques de ces industriels du tissu. L’un d’eux, l’Hôtel Dugas de la Boissonny, fût classé monument historique en 2016, portant à 6 le nombre de monuments historiques sur la ville (Maison des Chanoines, Eglise Saint-Pierre, Hôtel-Dieu, Couvent des Minimes/Hôtel de ville, Hôtel Dugas de la Boissonny et les Anciennes teintureries Gillet).

Mais dans cette cité gâtée par ses eaux, la révolution industrielle est protéiforme. Si le cœur de la ville se pare de néoclassicisme, d’immenses parcs privés, et vit au rythme des petites fabriques, ses abords développent d’importants complexes industriels. Dans le quartier du Creux, sur les bords du Gier, l’installation des teintureries Gillet en 1870 apporte à la ville l’un des plus beaux exemples de palais industriel de la Loire. Avec ses maisons ouvrières et ses bâtisses de contremaître, la cité ouvrière de l’usine nous conte aujourd’hui encore les évolutions sociales et sanitaires du siècle dernier. En son centre, les jardins partagés témoignent en outre d’une tradition paternaliste que l’on retrouvait partout en ville. Mises à disposition des ouvriers pour les aider matériellement, occuper leur temps libre et les détourner du cabaret, près de 800 parcelles couvraient au début du XXème siècle le territoire de Saint-Chamond. Fort de cet héritage, la ville compte encore 8 associations de jardins familiaux (la Friaude, La Martinière, la Brocharie, Les Echarneaux, les teintureries d’Izieux, le Moulins-Combas, Planèze, le Clos-Marquet et Voron).

Particulièrement investies dans cette logique paternaliste, les usines d’armement et leurs immenses halles couvraient également une importante part de la vallée. Installé au cœur d’un bassin métallurgique et houillé reconnu, le secteur s’est dès le moyen-âge appuyé sur la force motrice (utilisation des meules) et la pureté de l’eau (trempage du fer) pour fabriquer des armes blanches de qualité. Grace à cette tradition métallurgique, à l’arrivée précoce du chemin de fer et à sa situation isolée des champs de batailles, la ville de Saint-Chamond devient peu à peu un important fournisseur des états-majors français. Deux établissements marquent alors le paysage de la ville : les usines Chavannes, dont il ne reste quasiment aucune trace au pied de la colline Saint-Ennemond, et les Forges et Aciéries de la Marine, la plus importante zone en reconversion de la ville. Les Forges et Aciérie de la Marine se développant au XIXème siècle avec l’émergence du chemin de fer et des cuirassés blindés. Pionnières dans de nombreux domaines métallurgiques, leur puissance ne cesse de s’accroitre jusqu’à la première guerre mondiale. En 1917, l’usine fait travailler quotidiennement 14 000 ouvriers. Cette même année, elle sortira le célèbre char Saint-Chamond, second char d’assaut de l’armée française, qui fait encore la renommée de la ville. Malgré la reconversion du site d’après-guerres, les Aciéries de la Marine, devenues GIAT, ferment définitivement en 2004, laissant une friche industrielle de 45 hectares au cœur de la ville. Aujourd’hui en pleine reconversion, le site est un défi de valorisation patrimoniale, où se côtoient le respect de la mémoire ouvrière, les défis de l’avenir, et le renouveau paysager de la ville.


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